La question de l’énergie est fondamentale dans la réflexion sur le projet écologique.
Celle sur le travail l’est tout autant.
Le développement des sociétés industrialisées est soumis depuis son origine à la captation des ressources énergétiques de toutes natures ; l’histoire montre la montée en puissance autorisée par les énergies fossiles venant progressivement remplacer les renouvelables (soleil et ses dérivées, vent, cours d’eau …) et les métaboliques ( travail humain, traction animal).
Ceci dans tous les secteurs d’activités – la construction, l’agriculture, les déplacements, le numérique … – car rien ne peut s’extraire, se transformer, se transporter ni se mettre en œuvre sans recours à une forme de résolution énergétique formant les conditions du travail.
L’achoppement contemporain de la quête permanente de croissance des profits montre le désemparement généralisé face aux dégradations climatiques mais également sociales et culturelles produit par cette gloutonnerie sans limite quand à l’énergie et la déqualification forcenée du travail.
L’affaire est complexe car l’énergie, motrice de l’ensemble systèmes techniques, est aussi partie prenante de la construction sociale : de par son versant travail, elle déborde du champ des sciences dures pour s’inviter dans les sciences humaines, sociologie, anthropologie, culture, art de vivre … et bien évidemment l’économie.
Elle est donc un objet écologique – au sens notamment des trois écologies de Félix Guattari1 – et consécutivement un enjeu politique majeur en tant qu’elle est au cœur de l’organisation des sociétés humaines. Quand bien même les incantations institutionnelles au développement durable et à la croissance verte tendent à la contenir dans une neutralité aussi peu crédible que suspecte.
Abordée par le prisme de l’énergie la problématique du travail se voit prise en tenaille par deux champs de réalités :
- si l’énergie façonne et rend possible l’industrialisme, l’implication humaine lui donne sens, fondement social et intégration culturelle,
- si le travail souvent aliène, il est aussi possiblement émancipateur selon le rapport de convivialité entretenu avec celles et ceux qui le vivent,
- si le travail se mesure et s’objective en joules, son vécu s’apprécie par le récit des acteurs et actrices.
De là la nécessité de combiner deux catégories à la fois distinctes dans leur essence mais intriquées dans leur déploiement et leurs conséquences : l’hypothèse intensité sociale cherche à caractériser cette dualité dans sa combinatoire et, en tant que projet de dépassement, dans sa capacité à penser une réforme écologique des moyens de production.
L’Abécédaire ici accessible compile une somme de pensées critiques, de témoignages et de recherches non académiques fondés sur la pratique et la réflexivité. Entreprise collective, collaborative il se veut un « work in process« , un œuvre ouverte de résistance sémantique, nourrie du discernement de ses contributeurs et contributrices impliqué-e-s dans l’acte de construire.
A. Autonomie / Affordance / Attentivité
B. Bricolage
C. Culture / Coopérer-Collaborer / Convivialité
D. Dilettantisme / Détournement / Désir / Durabilité
E. Énergie / Expérimentation / Expérience
F. Fiscalité / Fabrique / Fourniture
G. Gestuelle
H. Habiter
I. Industrialisme
J. Juste / Ingéniérie / Impertive (Expertive)
K. Kung Fu
L. Libido
M. Métier / Mesure / Métis
N. Normalisation
O. Ouvrage / Outil
P. Plaisir incorporé / Production (moyens de)
Q. Quantifier / Qualifier
R. Résistance / Récit
S. Singularité / Solutionnisme
T. Territoire(s) / Traces
U. Utilité sociale
V. Vitesse
W. Watt
X.
Y.
Z. Zapatisme
- Les trois écologies ; Félix Guattari 1989 édition Galilé – « …les perturbations écologiques de l’environnement ne sont que la partie visible d’un mal plus profond et plus considérable, relatif aux façons de vivre et d’être en société sur cette planète. L’écologie environnementale devrait être pensée d’un seul tenant avec l’écologie sociale et l’écologie mentale, à travers une écosophie de caractère éthico-politique. Il ne s’agit pas d’unifier arbitrairement sous une idéologie de rechange des domaines foncièrement hétérogènes, mais de faire s’étayer les unes les autres des pratiques innovatrices de recomposition des subjectivités individuelles et collectives, au sein de nouveaux contextes technico-scientifiques et des nouvelles coordonnées géopolitiques. » ↩︎